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Fiscalité des travailleurs français vivant à l’étranger, un casse-tête en passe de se résoudre ?

Les travailleurs français qui vivent à l’étranger représentent 224.000 foyers, regroupant 471.000 personnes sur plus de 2,5 millions d’expatriés. Leur nombre est en croissance constante avec une hausse continue de 10%/an depuis cinq années. Ils versent annuellement au budget national plus de 1,5 milliard d’euros. Du constat de cette évolution, l’Etat a souhaité simplifier la fiscalité des ressortissants français avec l’adoption en 2018 de la loi des finances de 2019. Cette simplification se traduit par la volonté d’un alignement de la fiscalité sur celle des résidents français. Mal anticipée, elle a surtout créé des effets techniques collatéraux pour un certain nombre, créant une flambée inédite de leurs impôts. Depuis trois ans, la loi subit de nombreuses réformes et agite les passions. Chauwin Conseil RH fait le point.

L’évolution de la fiscalité des français vivants hors de France en 2019

Les Echos titraient le 11 septembre 2019 L’imposition des Français de l’étranger, la nouvelle bombe fiscale à retardement. A cette époque, l’alignement de la fiscalité des non-résidents sur celle des résidents français, voulue par le gouvernement par souci de simplification, s’est traduite par des effets collatéraux mal anticipés. Certains transfrontaliers craignaient à juste titre une flambée de leurs impôts. Par exemple, un fonctionnaire français, résident en Belgique mais travaillant en France a vu son impôt multiplié par deux. Autre exemple, un couple de retraités résident en Amérique de Nord et percevant une pension en France, a vu son imposition enfler de plus de 60%.

Pour bien comprendre, il faut savoir que les salaires et pensions français des non-résidents étaient, jusqu’en 2019, frappés par une retenue à la source (de 0 %, 12 %, ou 20 %) dont le barème était, jusqu’à 43.000 euros de revenus annuels, souvent plus avantageux que le barème de l’impôt des résidents français (avec ses tranches à 14 %, 30 %, 41 %, 45 %). A compter de 2020, cette retenue à la source a été supprimée. Au lieu de cela, les revenus de source française ont été taxés à 20 % dès le premier euro, puis à 30 % au-delà de 27.520 euros de revenus annuels.

Cette mécanique simplificatrice a eu pour conséquence une pénalité disproportionnée pour certains foyers avec un impôt multiplié par deux voire par trois ! En première ligne se trouvent ceux qui n’ont pas ou plus de charges de famille, comme les retraités résidents à l’étranger ou de jeunes travailleurs frontaliers.

La réforme de la fiscalité des français vivant à l’étranger en 2020

article fiscalité des travailleurs français hors de france senat

En octobre 2019 et suite à de nombreux levers de boucliers, l’assemblée nationale a adopté deux mesures dans le cadre de l’examen du projet de loi de finance 2020 :

  • un moratoire d’une année jusqu’au 1er janvier 2021 concernant la suppression du caractère libératoire de la retenue à la source spécifique applicable aux salaires et pensions de source française versés aux non-résidents,
  • une étude d’impact au premier semestre 2020 afin de s’assurer que les contribuables concernés ne soient pas pénalisés par l’évolution des règles et pour corriger les éventuels effets de bord pour l’exercice budgétaire 2021. Cette étude d’impact examinera notamment l’octroi aux contribuables non-résidents titulaires de revenus de source française du bénéfice de la décote pour atténuer les effets de la suppression de la fraction libératoire.

 

 Un mois plus tard les mesures suivantes ont été adoptées au sénat :

  • la suppression de l’augmentation du taux minimum d’imposition sur les revenus de source française de 20 à 30 %,
  • l’adoption de cinq amendements de précision sur le contenu du rapport qui doit être établi sur la fiscalité des Français de l’étranger.

Août 2020, qu’en est-il de l’étude d’impact et de la réforme de la fiscalité des français expatriés ?

La réforme n’est pas entérinée à ce jour. Le gouvernement a remis aux parlementaires le rapport de l’étude d’impact inventé avec des associations de Français de l’Etranger pour simplifier l’imposition sur le revenu des contribuables domiciliés à l’étranger. Des collectifs civils ont été intégrés à l’établissement des solutions proposées mardi 28 juillet dernier aux parlementaires, offrant ainsi un réel exercice de démocratie participative. Ce qui est sûr c’est que le gouvernement ne touchera pas au cœur de la réforme, seuls des petits aménagements seront envisagés. De ce fait, le nouveau taux d’imposition minimum de 20 % au premier euro sur les revenus français (30 % au-delà de 27.519 euros) qui bénéficiait d’un moratoire, rentrerait en application. En échange, Bercy laisserait en place des dispositions favorables concédées aux non-résidents dans le cadre de la réforme : déductibilité des pensions alimentaires, réduction d’impôt Pinel, exonération des plus-values immobilières en raison du départ à l’étranger, exonération de CSG et de CRDS sur les revenus du capital. Que comprend donc ce rapport ?

Trois scénarios relatifs à la fiscalité des français résidents à l’étranger sont offerts aux députés et sénateurs.

1er scénario : La décote

Le premier scénario permettrait de réduire la hausse issue de l’application de la réforme déjà votée sans la remettre en cause. Pour compenser la suppression de la retenue à la source libératoire, les non-résidents bénéficieraient de la décote. Aujourd’hui, ils ne sont tenus de déclarer que leurs rémunérations françaises. Demain ils auraient droit à la décote à condition de calculer leur impôt sur la base de leurs revenus « mondiaux », une méthode alternative qui se traduit par l’application d’un « taux moyen » parfois avantageux.

La décote permettrait de réduire l’impôt des foyers qui déclarent au maximum 25.663 euros de revenus mondiaux pour un célibataire et 45.951 euros pour un couple. Un retraité touchant 2.000 euros de pension par mois verrait ainsi sa contribution passer de 840 euros par mois à 1.088 euros (+30 %), au lieu de bondir à 1.280 euros sans décote.

A noter que ce premier scénario ne reçoit aucun soutien au sein de la société civile.

 

2ème scénario : Un barème progressif propre aux expatriés

Dans ce deuxième scénario, la retenue à la source libératoire serait bien supprimée, mais un barème d’imposition propre aux non-résidents serait créé : par exemple, pas d’impôt jusqu’à 5.000 euros de revenus, puis 11 % jusqu’à 50.000 euros, 30 % jusqu’à 90.000 euros, 41 % au-delà. Ce modèle « continuerait à faire des perdants », entraînerait « une variation injustifiée de l’imposition », et « serait source d’une complexité supplémentaire », souligne cependant le rapport.

 

3ème scénario : Le maintien de la retenue à la source libératoire

La retenue à la source partiellement libératoire serait conservée, afin d’éviter une hausse de l’impôt. Cependant, son fonctionnement serait rapproché du prélèvement à la source. C’est à dire que le calcul du taux moyen sur les revenus mondiaux ayant d’ores et déjà été automatisé, il suffirait de rembourser le trop prélevé à la source ! Ça ne coûterait que 12 millions d’euros sur les 400 millions d’euros collectés chaque année.

Sauf que pour que cela fonctionne, il faut fournir à l’administration fiscale l’ensemble de ses revenus mondiaux, informations que peu de contribuables ont envie de communiquer au Trésor Français. En sus, cela entraine un gain de trésorerie au profit de l’Etat puisque celui-ci ne rembourserait que l’année suivante le trop-perçu.

Cependant certains élus comme des associations se rangent derrière cette solution.

Une décision attendue pour l’automne 2020

article fiscalité des travailleurs français hors de france tour eiffel automne

Avec une décision attendue en octobre 2020, on peut espérer que le casse-tête sera résolu, ou pas. Lors de l’examen du budget 2021 prévu cet automne, les députés et sénateurs devront en effet trancher parmi les scénarios apportés, mais peut-être en inventeront-ils un quatrième ? Toujours est-il qu’aujourd’hui, nous ne savons pas encore quelle fiscalité sera adoptée pour les français de l’étranger mais ce qui est sûr, c’est qu’ils contribueront davantage au Budget National !

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